Résultats clés : L'analyse des lacunes a révélé que le réseau régional d'AP et de ZICO répond aux objectifs en matière de conservation pour plus de la moitié des écorégions représentées, mais n'assure pas la conservation des écorégions des forêts claires xérophiles d'altitude de l'Est du Sahara ou de la mosaïque du Plateau de Mandara. Les objectifs en matière de conservation sont atteints pour la majorité des espèces, toutefois, certains éléments de conservation demeurent totalement non protégés, en particulier concernant les espèces menacées. Pour atteindre l'ensemble des objectifs en matière de conservation, il serait nécessaire de protéger plus de 20 % de la région d'Afrique de l'Ouest. L'analyse nationale des lacunes a révélé une forte variabilité entre les pays, le réseau existant d'AP et de ZICO atteignant la plupart des objectifs en matière de conservation dans certains pays, mais n'assurant pas la conservation d'un certain nombre d'éléments de conservation, tels que certaines écorégions particulières et espèces importantes pour la conservation dans d'autres pays.
La Planification systématique de la conservation (PSC) est l'approche la plus couramment utilisée pour concevoir et améliorer les réseaux d'AP. Elle consiste à produire une liste des espèces, des habitats et des processus écologiques importants (regroupés sous l'appellation d' « éléments de conservation »), à cartographier leur distribution, et à établir des objectifs déterminant dans quelle mesure chaque élément de conservation doit être protégé. Ces données sont ensuite utilisées pour réaliser une analyse des lacunes, qui évalue à quel point le système d'AP existantes répond à ces objectifs, ainsi que l'établissement de priorités géographiques pour la conservation, qui identifie les zones prioritaires en vue de combler les lacunes liées aux objectifs. Les réseaux d'AP doivent également être fortes face aux impacts du changement climatique, du fait qu'il est probable que la répartition des éléments de conservation soit modifiée en réponse aux changements de température, de précipitations et de niveaux de la mer. La PSC peut être utilisée pour aborder ce problème en identifiant les zones prioritaires en termes de conservation, qui protègent à la fois la distribution actuelle et la distribution future attendue des espèces importantes.
Dans cette étude, le Durrell Institute of Conservation and Ecology (DICE) de l'Université du Kent a réalisé une analyse des lacunes et l'établissement de priorités géographiques pour la conservation, pour la région d'Afrique de l'Ouest et pour les cinq pays du projet, à savoir la Gambie, le Mali, la Sierra Léone, le Tchad et le Togo. Un système de planification systématique régionale de la conservation et cinq systèmes de planification systématique nationale de la conservation ont ainsi été élaborés. Ces systèmes ont ensuite été utilisés pour permettre l'identification des possibilités d'amélioration des réseaux d'AP en vue de conserver la biodiversité dans le présent et le futur, en tenant compte des projections climatiques futures.
SYSTÈME DE PLANIFICATION RÉGIONALE
Le système de planification systématique de la conservation pour l'Afrique de l'Ouest contient les données concernant l'ensemble des 17 types de couverts végétaux naturels, des 28 écorégions, des 171 espèces d'amphibiens, des 884 espèces d'oiseaux et des 230 espèces de mammifères présents dans la région. Il contient également des données relatives aux distributions attendues des 316 espèces d'amphibiens, d'oiseaux et de mammifères qui sont considérées comme menacées, selon les critères de classification de la Liste rouge de l'UICN, et/ou qui ont été évaluées comme étant vulnérables aux impacts attendus du changement climatique, d'après les modèles de distribution des espèces (SDM) pour la période de 2010 à 2039.
La région de planification pour l'Afrique de l'Ouest représente une superficie de 7 311 000 km² et 12,6 % de cette zone font partie d'AP existantes, tandis qu'un autre secteur couvrant 1,1 % fait partie de Zones importantes pour la conservation des oiseaux et de la biodiversité (ZICO), qui ont été identifiées par BirdLife International et leurs partenaires locaux et qui sont actuellement non protégées. Le pourcentage de chaque pays faisant partie d'AP ou de ZICO non protégées varie de 1,1 % pour la Mauritanie à 34,8 % pour la Guinée-Bissau. Seuls sept pays parmi ceux-ci atteindraient leur objectif 11 d'Aichi si leurs ZICO étaient également comprises dans leur réseau d'AP. Le réseau régional d'AP et de ZICO répond aux objectifs de conservation pour 15 écorégions sur 28, mais n'assure pas la conservation des écorégions des forêts claires xérophiles d'altitude de l'Est du Sahara ou de la mosaïque du Plateau de Mandara.
Le réseau combinant les AP et les ZICO répond aux objectifs pour 89,5 % de l'ensemble des éléments de conservation. Les objectifs en termes de conservation sont atteints pour 81,3 % des espèces d'amphibiens, 90,8 % des espèces d'oiseaux et 86,1 % des espèces de mammifères et pour 94 % des SDM pour la période de 2010 à 2039. Toutefois, plus de 7 % de ces éléments sont totalement absents de ce réseau et ce pourcentage est encore plus élevé lorsqu'il s'agit des espèces menacées, dont 12,5 % sont actuellement non protégées.
Pourcentage des especes d'amphibiens, d'oiseaux et de mammiferes pour lesquelles l'objectif fixe (c.-a-d. la proportion de leur aire de distribution actuelle a proteger) est atteint par le reseau d'aires protegees (AP) existant et les Zones importantes pour la conservation des oiseaux et de la biodiversite (ZICO).
Le réseau d'AP et de ZICO est plus efficace quant à la réalisation des objectifs pour la distribution future attendue des espèces durant la période de 2010 à 2039, bien que 0,8 % des espèces d'oiseaux et 0,25 % des espèces de mammifères soient totalement non protégées. Contrairement aux résultats concernant la distribution actuelle des espèces, la distribution future des espèces menacées implique que celles-ci sont mieux protégées que les espèces non menacées.
Nous avons utilisé le logiciel de planification de la conservation Marxan pour identifier les zones prioritaires quant à la réalisation des objectifs en termes de conservation (Figure 15). L'analyse a été conçue pour éviter les zones à forte densité de population humaine, dans la mesure du possible, et pour identifier les zones prioritaires permettant d'agrandir les AP existantes ou qui sont suffisamment grandes pour être écologiquement viables. Les résultats de cette analyse révèlent que 384 765 km² devraient être ajoutés au réseau d'AP existant afin d'atteindre tous les objectifs en matière de conservation, ce qui correspond à la protection de 21,6 % de la région.
Les zones prioritaires ayant été identifiées par Marxan avec le plus de constance sont éparpillées dans l'ensemble de la région, toutefois les zones les plus vastes sont situées en Côte d'Ivoire, au Ghana et en Mauritanie. Dans le cas de la Côte d'Ivoire et du Ghana, ce résultat provient du fait qu'ils contiennent une biodiversité importante, mais également parce qu'ils contiennent de nombreuses AP de petite taille que Marxan a cherché à relier. Pour la Mauritanie, la vaste étendue identifiée résulte d'une couverture en AP relativement restreinte dans le pays, impliquant que certaines écorégions nécessitent des niveaux de protection plus élevés en vue d'atteindre les objectifs spécifiés.
Zones prioritaires pour la conservation en l'Afrique de l'Ouest. Les zones en rouge sont celles qui ont ete le plus souvent selectionnees par Marxan.
Les résultats de l'analyse des lacunes et de l'établissement de priorités géographiques pour la conservation peuvent être utilisés dans l'élaboration de politiques et pratiques en matière de conservation en Afrique de l'Ouest. Toutefois, il est nécessaire de prendre garde lors de l'utilisation pratique des résultats étant donné que la plupart des données de distribution sont basées sur des cartes d'aires de distribution contenant des habitats inappropriés. Par conséquent, la première étape dans la mise en oeuvre de ces résultats consiste à effectuer des analyses documentaires et des études de terrain pour vérifier que chaque zone prioritaire est réellement importante pour les éléments de conservation pour lesquels elle a été sélectionnée. Il est également important de reconnaître que le système de planification de la conservation en Afrique de l'Ouest contenait uniquement des données concernant trois groupes de vertébrés et n'incluait pas de données relatives à un éventail d'autres facteurs qui pourraient influencer la mise en oeuvre, tels que les services écosystémiques, les coûts d'opportunité liés à l'agriculture ou les projets d'utilisation des terres provenant d'autres secteurs d'activité. Il est donc important que les professionnels de la conservation et les chercheurs au niveau national et international continuent d'améliorer le système de planification par la mise à jour des données et l'ajout de nouvelles données.
SYSTÈMES DE PLANIFICATION NATIONALE
Les systèmes de planification nationale ont été développés dans le cadre d'une collaboration entre le DICE de l'Université du Kent et des experts nationaux, par le biais d'une série d'ateliers nationaux, au cours desquels les experts de la biodiversité ont appris à mener des analyses des lacunes et ont développé des systèmes de planification de la conservation pour leurs pays. Au cours de ces ateliers, les résultats initiaux découlant des systèmes de planification nationale ont été présentés et ont été améliorés par les participants afin de pouvoir les utiliser dans l'élaboration de politiques et de pratiques en matière de conservation. Les participants ont ainsi contribué à l'établissement de l'ensemble des objectifs en matière de conservation (le degré de protection de chaque élément de conservation), et ont convenu des zones à exclure de l'ensemble des zones prioritaires (par exemple, du fait du développement urbain ou de l'exploitation minière). Ils ont également participé à la vérification des niveaux de fragmentation (afin de garantir une taille minimale pour la création de nouvelles AP) et à l'identification d'un ensemble de zones prioritaires pour réaliser les objectifs de protection.
Les résultats découlant de ces systèmes de planification sont synthétisés dans une série de rapports qui décrivent, pour chaque pays du projet, la manière selon laquelle chacun de ces systèmes de planification a été développé. Ces rapports contiennent des détails sur la manière d'utiliser les systèmes de planification pour mesurer à quel point le réseau d'AP de chaque pays répond aux objectifs en matière de conservation, et pour identifier les zones prioritaires en vue d'accroître les réseaux nationaux d'AP.
Gambie
Le système de planification de la conservation pour la Gambie comprend une zone de 422 km² (4 %) faisant déjà partie d'AP et une zone de 215 km² (2 %) faisant partie de ZICO actuellement non protégées. Le réseau d'AP et de ZICO existantes de la Gambie ne répond pas à la plupart des objectifs en matière de conservation. En effet, il n'assure pas la réalisation des objectifs pour quasiment la totalité des espèces, bien que les ZICO non protégées jouent un rôle important dans l'augmentation de la protection pour les trois groupes taxonomiques. Un certain nombre de zones prioritaires importantes ont été identifiées dans différentes parties du pays. Elles sont situées d'est en ouest du pays et reflètent des tendances biogéographiques.
Zones prioritaires pour la Gambie pour realiser les objectifs en matiere de conservation, tout en evitant, dans la mesure du possible, les zones a forte densite de population.
Mali
Le système de planification de la conservation pour le Mali comprend une zone de 69 839 km² (5,6 %) faisant déjà partie d'AP et une zone de 14 501 km² (1,2 %) faisant partie de ZICO actuellement non protégées. Le système d'AP et de ZICO du Mali n'assure pas la conservation de l'écorégion du désert du Sahara et très peu de celle de la savane inondée du delta intérieur du Niger. Les oiseaux sont relativement bien protégés, notamment lorsque les ZICO sont incluses, mais les mammifères, et en particulier les amphibiens, sont mal représentés. La situation est bien pire concernant les espèces menacées, notamment les mammifères. La plupart des zones prioritaires identifiées sont situées dans les secteurs du centre et du sud du Mali, en particulier autour des AP existantes. Le Mali devrait étendre son réseau d'AP à travers le pays afin de répondre aux objectifs en matière de conservation.
Zones prioritaires pour le Mali pour realiser les objectifs en matiere de conservation, tout en evitant, dans la mesure du possible, les zones a forte densite de population.
Sierra Léone
Le système de planification de la conservation pour la Sierra Léone comprend une zone de 4 211 km² (5,8 %) faisant déjà partie d'AP et une zone de 512 km² (0,7 %) faisant partie de ZICO actuellement non protégées. Le réseau d'AP et de ZICO existantes de la Sierra Léone ne répond pas à la plupart des objectifs en matière de conservation. Notamment, il n'assure pas la réalisation des objectifs pour quasiment la totalité des espèces, particulièrement les amphibiens. La plupart des zones prioritaires identifiées sont situées dans les secteurs du centre et de l'ouest de la Sierra Léone, en particulier autour des AP existantes. La Sierra Léone doit également étendre son réseau d'AP à travers le pays afin de répondre aux objectifs en matière de conservation.
Zones prioritaires pour la Sierra Leone pour realiser les objectifs en matiere de conservation, tout en evitant, dans la mesure du possible, les zones a forte densite de population.
Tchad
Le système de planification de la conservation pour le Tchad comprend une zone de 149 636 km² (11,8 %) faisant déjà partie d'AP et une zone de 30 373 km² (2,4 %) faisant partie de ZICO actuellement non protégées. Le réseau actuel d'AP et de ZICO du Tchad répond à la plupart des objectifs fixés en matière de conservation. Toutefois, il n'assure pas la conservation de l'écorégion des forêts claires xérophiles d'altitude de l'Est du Sahara et très peu de celle du désert du Sahara. En ce qui concerne la distribution actuelle des amphibiens, des oiseaux et des mammifères, en moyenne, environ 80 % de ces espèces voient leurs objectifs en matière de protection réalisé dans le système d'AP et de ZICO existantes. Toutefois, les espèces menacées sont moins bien protégées, bien que la proportion d'espèces pour lesquelles les objectifs ont été atteints reste encore relativement élevée. La plupart des zones prioritaires identifiées se trouvent autour des aires de conservation existantes (AP et ZICO), avec des zones prioritaires de plus petite taille situées dans des parcelles au sud du pays. L'analyse révèle que de vastes zones dans le nord du pays doivent également être ajoutées au réseau d'AP afin de réaliser les objectifs.
Zones prioritaires pour le Tchad pour realiser les objectifs en matiere de conservation, tout en evitant, dans la mesure du possible, les zones a forte densite de population.
Togo
Le système de planification de la conservation pour le Togo comprend une zone de 7 273 km² (12,8 %) faisant déjà partie d'AP et une zone de 151 km² (0,3 %) faisant partie de ZICO actuellement non protégées. Le système d'AP et de ZICO du Togo représente la plupart des écorégions et des types de couverts végétaux. Le réseau existant répond déjà bien aux objectifs de conservation pour la plupart des espèces, et seul un pourcentage très restreint de celles-ci sont absentes du réseau d'AP existantes. Toutefois, il est important de noter que le réseau d'AP du Togo est actuellement en cours de révision. Un nombre restreint de zones prioritaires ont été identifiées à l'extérieur du réseau des aires de conservation existantes. Il demeure néanmoins nécessaire d'étendre le réseau d'AP existantes en vue de réaliser l'ensemble des objectifs en matière de conservation, notamment en ajoutant plusieurs zones dans le sud.
Zones prioritaires pour le Togo pour realiser les objectifs en matiere de conservation, tout en evitant, dans la mesure du possible, les zones a forte densite de population.