Résultats clés : Le suivi des impacts du changement climatique sur les espèces doit s'appuyer sur les systèmes de suivi existants, mais doit également prendre en compte des facteurs supplémentaires qui sont spécifiques aux questions climatiques. Des recommandations sont proposées pour le suivi des espèces pour les cinq sites pilotes transfrontaliers, en particulier celles considérées comme vulnérables au changement climatique et/ou menacées d'extinction au niveau mondial.
Des recommandations relatives aux stratégies de suivi des impacts du changement climatique sur les espèces dans les cinq sites pilotes transfrontaliers ont été formulées à partir de consultations auprès de spécialistes nationaux et internationaux des espèces.
Des informations sont fournies concernant a) les méthodes utilisées pour identifier les espèces les plus vulnérables au changement climatique à l'échelle régionale et des sites, b) l'importance du suivi des espèces dans le contexte du changement climatique, et c) des recommandations spécifiques pour le suivi des espèces pour les cinq sites pilotes transfrontaliers.
Il est probable que les impacts du changement climatique sur la biodiversité et les sociétés qui en dépendent soient principalement négatifs. Les espèces pourraient être confrontées aux phénomènes suivants en conséquence du changement climatique : changements liés à leurs habitats ou micro-habitats, modifications de facteurs environnementaux au-delà de seuils tolérables, perturbations liées à des interactions interspécifiques importantes, émergence ou augmentation d'interactions interspécifiques négatives, perturbation de déclencheurs ou indicateurs environnementaux importants, et fréquence plus élevée des extinctions locales. On s'attend à ce que les espèces qui sont sensibles et exposées à de tels changements réagissent éventuellement d'une des deux manières suivantes : (i) qu'elles se dispersent dans des zones où l'environnement est plus approprié, ou (ii) qu'elles s'adaptent au changement in-situ. Les espèces qui sont dans l'incapacité de réagir de cette manière (par ex. du fait d'une faible variabilité génétique, d'une faible efficacité de la reproduction, de la présence d'obstacles qui empêchent la dispersion et/ou d'une faible capacité intrinsèque de dispersion) sont les espèces qui sont considérées comme étant vulnérables au changement climatique.
Le suivi de la biodiversité est couramment réalisé dans le but de détecter des changements dans les systèmes naturels, et d'évaluer les besoins et l'efficacité des actions de gestion. Il existe à présent un besoin urgent d'effectuer un suivi des impacts du changement climatique sur les espèces, afin que les responsables puissent répondre à cette menace émergente à temps et de manière efficace. Dans de nombreux cas, le suivi des impacts du changement climatique sur les espèces peut et doit s'appuyer sur les programmes de suivi existants, toutefois, certaines considérations supplémentaires doivent être prises en compte lors du développement d'une stratégie de suivi en vue d'analyser spécifiquement les impacts du changement climatique :
1. Il est essentiel d'effectuer le suivi sur une longue période ;
2. Outre le suivi de la biodiversité, il est important d'effectuer le suivi du climat en tant que tel ;
3. Toute action de suivi doit fixer ses objectifs avant d'élaborer le protocole l'échantillonnage, étant donné qu'ils influenceront fortement ce dernier ;
4. Lors de la sélection des espèces (ou des groupes d'espèces) pour le suivi, il est nécessaire de se poser les questions suivantes : Existe-t-il un programme de suivi déjà en place ? Dois-je faire le suivi d'une, de plusieurs, ou de nombreuses espèces ? Existe-t-il d'autres facteurs agissants qui pourraient masquer les impacts du changement climatique ? Mon espèce cible est-elle suffisamment observable pour percevoir une tendance de la population ?
Les recommandations spécifiques pour le suivi des espèces pour les cinq sites pilotes transfrontaliers sont résumées ci-dessous.
Parc national de Sena Oura (Tchad) et du Parc national de Boubba Ndjidda (Cameroun).
Il est recommandé qu'un suivi prioritaire soit réalisé pour les espèces d'amphibiens, telles que la grenouille Afrixalus quadrivittatus, les reptiles tels que le scinque à queue bleue, Trachylepis quinquetaeniata, les chauvessouris (Eidolon helvum, Hipposideros ruber et Lavia frons) et les poissons d'eau douce (le poisson à nageoires rayonnées Brycinus nurse et la sole d'eau douce Dagetichthys lakdoensis), conjointement au suivi des facteurs climatiques (températures et précipitations), de même que la disponibilité et la qualité des habitats pour ces espèces.
Parc national du Niumi (Gambie) et Parc national du Delta du Saloum (Sénégal)
Le suivi de plusieurs espèces d'oiseaux devrait être réalisé (telles que l'huîtrier pie, Haematopus ostralegus, le goéland railleur, Larus genei, et d'autres oiseaux marins et aquatiques communs), ainsi que pour les communautés de poissons d'eau douce et des estuaires (par ex. le rivulidé africain Pronothobranchius kiyawensis), les amphibiens et les espèces de mammifères, notamment les espèces vulnérables de chauves-souris (par ex. Eidolon helvum, Hipposideros ruber, Lavia frons) et du lamantin Trichechus senegalensis. Le suivi des facteurs climatiques (températures et précipitations) doit également être réalisé, outre celui de la disponibilité et de la qualité des habitats pour ces espèces.
Réserve partielle de faune dite des Éléphants du Gourma (Mali) et Réserve partielle de faune du Sahel (Burkina Faso)
Le suivi d'un certain nombre d'espèces devrait être réalisé, notamment de la grue couronnée, Balearica Pavonina, qui est une espèce vulnérable, du poisson à nageoires rayonnées Brycinus nurse et du poisson-chat Synodontis gobroni, ainsi que de grands mammifères tels que l'éléphant Loxodonta africana et la gazelle dorcas, Gazella dorcas, qui est une espèce vulnérable, et de petits mammifères tels que la gerbille du Niger, Gerbillus nigeriae, et plusieurs espèces de chauves-souris (Eidolon helvum et Hipposideros ruber). Le suivi doit également intégrer des données relatives aux facteurs climatiques (températures et précipitations) et à la disponibilité et à la qualité des habitats.
Parc national de la forêt tropicale de Gola (Sierra Léone) et Parc national de Gola (Libéria)
Les espèces d'amphibiens (par ex. Amietophrynus taiensis, crapaud endémique en danger critique d'extinction, et Hylarana occidentalis, grenouille en danger) bénéficieraient de la mise en place d'un suivi, de même que plusieurs espèces d'oiseaux (telles que le malimbe de Ballmann, Malimbus ballmanni, qui est une espèce en danger, le calao à joues brunes, Bycanistes cylindricus, le picatharte, Picathartes gymnocephalus, le perroquet timneh, Psittacus timneh, et la chouette-pêcheuse rousse, Scotopelia ussheri, toutes considérées comme des espèces vulnérables). Les autres espèces nécessitant un suivi comprennent des espèces de grands mammifères (telles que, entre autres, le cercopithèque diane, Cercopithecus diana, espèce vulnérable, le céphalophe de Jentink, Cephalophus jentinki, espèce en danger, et le céphalophe d'Ogilby, Cephalophus agilbyi), des petits mammifères (par ex. le loir africain Graphiurus nagtglasii et la nandinie Nandinia binotata) et des espèces de chauves-souris (par ex. Eidolon helvum, Hipposideros ruber, Miniopterus schreibersii). Ce suivi devrait être réalisé conjointement au suivi des facteurs climatiques (températures et précipitations), de la disponibilité et de la qualité des principaux habitats et micro-habitats, du taux de prélèvement de ces espèces par les êtres humains et d'autres tendances qui découlent du changement climatique.
Oti-Kéran-Mandouri (OKM) (Togo) et le complexe WAP ('W', Arly, Pendjari) (Bénin, Burkina Faso et Niger)
Il est recommandé de favoriser le suivi des espèces d'oiseaux, telles que la grue couronnée, Balearica Pavonina, qui est une espèce vulnérable, du poisson à nageoires rayonnées Brycinus nurse et du poisson-chat Synodontis gobroni, de grands mammifères tels que l'éléphant Loxodonta africana et la gazelle dorcas, Gazella dorcas, qui est une espèce vulnérable, de petits mammifères tels que la gerbille du Niger, Gerbillus nigeriae, et plusieurs espèces de chauves-souris (Eidolon helvum et Hipposideros ruber). Le suivi des facteurs climatiques (températures et précipitations) doit également être réalisé, outre celui de la disponibilité et de la qualité des habitats pour ces espèces.