Résultats clés : Le changement climatique devrait avoir un impact de plus en plus important sur la biodiversité des AP d'Afrique de l'Ouest au cours du XXIe siècle. On s'attend également à ce qu'une grande partie des espèces d'amphibiens, d'oiseaux et de mammifères se retrouve dans des régions ayant un climat moins adapté d'ici à la fin du siècle. Un renouvellement important des espèces est également escompté dans la plupart des aires protégées, notamment dans la région des forêts de Guinée.
Face aux modifications de la distribution et de l'abondance des espèces qui résultent du changement climatique, il est essentiel d'évaluer l'efficacité du réseau d'AP existantes. Les AP constituent un élément central de la conservation des espèces, toutefois, leur caractère statique rend leur efficacité à long terme particulièrement vulnérable, étant donné que les aires de distribution des espèces se modifient en fonction des conditions climatiques changeantes.
Dans le cadre de ce projet, l'Université de Durham a développé des Modèles de distribution des espèces (SDM) qui mettent en lien la distribution des espèces et les variables climatiques importantes du point de vue biologique. Les projections des conditions climatiques futures provenant du MOHC ont été utilisées, ainsi que les estimations du potentiel de dispersion des espèces, afin d'évaluer les impacts des conditions climatiques changeantes sur les distributions et représentations fauniques (oiseaux, mammifères et amphibiens) dans l'ensemble du réseau d'AP de la région.
On s'attend à ce que les impacts du changement climatique sur la biodiversité de l'Afrique de l'Ouest dans l'ensemble du réseau d'AP de la région augmentent au cours du XXIe siècle (Figure 9). D'ici à la période de 2070-2099, il est considéré comme « extrêmement probable » que 91 % des espèces d'amphibiens, 40 % des espèces d'oiseaux et 50 % des espèces de mammifères présentent une adéquation réduite au climat dans l'ensemble du réseau d'AP de la région. Il est également considéré comme « extrêmement probable » qu'aucune espèce d'amphibien et seulement trois espèces d'oiseaux et une espèce mammifère connaissent une meilleure adéquation au climat dans la région d'ici à la période de 2070-2099.
Chaque AP a de fortes chances d'à la fois perdre et gagner des espèces, en conséquence des changements survenus au sein des communautés fauniques. Le renouvellement des espèces correspond à la mesure de la perte et du gain en espèces dans un site par rapport à la richesse spécifique, et présente une mesure du changement au sein des communautés entre différentes périodes. Un renouvellement plus important en espèces indique une modification plus notable de la composition communautaire attendue, et suggère d'importants impacts du changement climatique. On s'attend à ce que le renouvellement médian des espèces pour les amphibiens dans les AP passe de 26,5 % durant la période de 2010-2039 à 45,7 % d'ici à la période de 2070-2099. Les impacts attendus sur les oiseaux et les mammifères sont moins élevés, mais demeurent néanmoins considérables pour les communautés, avec un renouvellement escompté des espèces d'ici à la période de 2070-2099 de 32,4 % et 34,9 % pour les oiseaux et les mammifères, respectivement.
Une méthode de ré-échantillonnage a été utilisée en vue d'identifier les AP se trouvant dans le quartile supérieur du renouvellement attendu des espèces pour chaque groupe taxonomique et pour chaque période, en utilisant trois seuils de tolérance à l'incertitude afin d'indiquer les impacts pour lesquels le niveau de confiance est le plus élevé. Pour un niveau de confiance à 95 %, un fort impact a été identifié pour 80 des 1,987 AP pour deux taxons ou plus d'ici à la période de 2010-2039. Toutefois, ce chiffre chute à seulement cinq AP d'ici à la période de 2070-2099. En acceptant une incertitude plus importante, le nombre de sites « à fort impact » identifiés pour des taxons multiples (deux ou plus) d'ici à la période de 2010-2039 augmente jusqu'à 134 pour niveau de confiance à 85 %, et 194 pour un niveau de confiance à 75 %. La majeure partie des AP soumises à un « fort impact » du changement climatique » identifiées pour des taxons multiples sont situées dans la région des forêts guinéennes, avec la plupart des AP concernées se trouvant en Côte d'Ivoire.
Une évaluation à l'échelle régionale des impacts de l'intégration de l'adéquation dynamique du climat dans les projections relatives aux changements des aires de distribution des espèces engendrés par le climat a également été réalisée par le biais d'un modèle de dispersion dynamique. Il en ressort que l'intégration de la dispersion dynamique dans les paysages présentant des climats changeants peut affecter les modifications attendues des aires de distribution, ce qui engendre notamment une réduction marquée du nombre d'espèces ayant la capacité de coloniser une région. Toutefois, parmi les cinq pays participant au projet, seuls le Libéria et la Sierra Léone semblent être affectés par ce niveau supplémentaire de modélisation, les impacts majeurs étant attendus en Côte d'Ivoire ainsi que dans les zones riches en espèces de la forêt guinéenne et des régions côtières. Toutefois, dans l'ensemble, les impacts de l'intégration de données climatiques en évolution dynamique sont relativement limités dans une grande parte de l'Afrique de l'Ouest.
Pour conclure, les impacts attendus du changement climatique constituent une menace importante pour la biodiversité de la région, qui subit déjà une pression considérable en raison de la chasse et de la perte des habitats. Cette étude a ainsi mis en évidence les zones qui présentent l'impact potentiel le plus important du changement climatique sur les AP. Là où il est probable que le nombre d'espèces diminue, des démarches doivent être mises en place pour localiser et protéger correctement les zones refuges potentielles et pour maximiser la connectivité entre les sites en vue de faciliter les modifications des aires de distribution.
Changements anticipes relatifs aux especes d'amphibiens (haut), d'oiseaux (milieu) et de mammiferes (bas) dans les AP pour la periode de 2040-2069. Les projections medianes proviennent de scenarios de projections climatiques et de SDM multiples. Les valeurs negatives indiquent une reduction de la richesse en especes par comparaison aux niveaux actuels, et les valeurs positives indiquent une augmentation de la richesse en especes.
Baker D.J. et Willis S.G. 2015. Impacts attendus du changement climatique sur la biodiversité des aires protégées d'Afrique de l'Ouest. UNEP-WCMC technical report.